Les adeptes de la trott’ électrique sont facilement tous mis dans le même sac. Or, en termes d’âge, d’usage ou de comportement, tout ou presque différencie le propriétaire de son engin par rapport à un utilisateur en libre-service, comme nous le démontrent le spécialiste Jocelyn Loumeto et une étude récente.
Jocelyn Loumeto
Délégué général de la Fédération des professionnels de la micro-mobilité (FPMM)
Peut-on dire que les adeptes du free-floating sont plus jeunes et plus urbains que les propriétaires de leur trottinette ?
J.L. : Les possesseurs sont clairement plus mélangés en termes de localisation géographique. Beaucoup vivent en périphérie et veulent s’exonérer de l’attente de l’autobus, alors que les utilisateurs du free-floating sont majoritairement en centre-ville, qu’ils y habitent ou y travaillent. Ceux-ci sont effectivement plus jeunes, de 19 à 29 ans en moyenne, alors que les possesseurs ont plutôt 23-34 ans. Il faut bien considérer que pendant longtemps, et c’est toujours vrai aujourd’hui, le free-floating a joué un rôle d’initiateur : les gens, curieux, les essaient puis se décident à acheter leur premier engin au-delà d’un certain niveau d’utilisation : cela revient moins cher. Pour autant, il y aura toujours une frange d’adeptes du libre-service, n’ayant que des besoins ponctuels ou par manque d’espace de rangement.
On croise dans les rues plus de pratiquants en libre-service que de propriétaires, non ?
J.L. : La comparaison s’avère difficile, car les acteurs du libre-service communiquent en nombre de trajets. Au plus fort de leur activité, avant la mise en place de la régulation des opérateurs, ils ont totalisé un peu moins de 30.000 engins, dont 20.000 à Paris. Or il s’est vendu 479.000 trottinettes électriques en 2019. On estime que celles en libre-service représentent moins de 10% des volumes en circulation. Sachant qu’une étude de 2019 sur le free-floating montre une moyenne de trois trajets par machine par jour, pour des trajets moyens de 1 à 5 km, alors qu’un possesseur parcourt de 3 à 15 km en moyenne.
Qui roule avec quoi ?
J.L. : Du côté des opérateurs, les premiers arrivés ont compris après coup qu’il leur fallait concevoir et fabriquer des engins spécifiquement adaptés à un usage intensif et collectif. Sans cela, les débuts furent difficiles ! Mélangeant pannes réelles et actes d’incivilités, une étude américaine de 2018 a alors estimé la durée de vie d’une trottinette en libre-service à 28 jours. Aujourd’hui circulent dans nos rues des engins beaucoup plus costauds et performants, et les durées de vie annoncées sont de l’ordre de six à douze mois, d’autant que les incivilités diminuent nettement. En ce qui concerne les achats de trottinettes, l’hétérogénéité règne avec des prix allant de 149 € pour les engins d’entrée de gamme jusqu’à 4.000€ pour accéder au très haut de gamme. La recommandation pour un usage optimal au quotidien est d’opter pour des modèles allant de 600 à 1.200 €.
Encadré
Comportements peu comparables
Avec des profils si différents, pas étonnant que propriétaires et “locataires“ aient des comportements au guidon sans commune mesure, comme l’a mis en évidence – parmi de nombreux autres points – la vaste étude « Usages, risques et accidentalité des EPDM ». Commanditée par Assurance Prévention, la FFA et la FPMM, elle a été réalisée par le Smart Mobility Lab.
-Usages. L’étude montre que 59% des possesseurs ont parcouru plus de 1.000 km avec leur engin quand, pour les free-floateurs, 33% totalisent moins de dix trajets et 73% des sondés ne pratiquant en réalité que depuis moins d’un an.
–Equipements. Si les propriétaires sont habituellement bien équipés avec casque (85% d’entre eux), dispositif rétro-réfléchissant (62%) et accessoire de protection (58%), seuls 9% des locataires étaient casqués lors de leur dernier déplacement, 15% équipés d’un gilet ou un brassard, 11% protégés.
–Assurance. Ecarts flagrants aussi concernant cette obligation : 62% des propriétaires ont souscrit une responsabilité civile, alors que seuls 23% des locataires ont déjà vérifié si cette couverture est fournie par les opérateurs.
-Réglementation. Si plus de 8 proprios sur 10 connaissent les nouvelles interdictions (trottoirs, rouler à deux, à 25km/h maxi, etc.), c’est le cas de moins d’un occasionnel sur deux.
–Accidentalité. Parmi les utilisateurs ayant connu une collision ou (plus souvent) une chute, 85% des locataires avaient moins d’un an d’expérience au guidon contre 59% des propriétaires. Pour les premiers, la période la plus à risque se situe entre un et six mois, mais entre un et deux ans pour les seconds.
Article rédigé par Pascal Pennec
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